A son tour, Pierre Zarka a publié un court texte dans l'Humanité pour livrer sa vision de l'avenir du PC (qu'on imagine donc assez proche de celle des "Communistes Unitaires").
Point positif, il souligne l'importance de nos relations avec les autres forces et mouvements anticapitalistes, et insiste sur la nécessité impérative d'une structure ad-hoc pour organiser ces relations.
Avant de revenir sur ce point essentiel, nous avons néanmoins relevé plusieurs ambiguïtés, ce qui est dommage pour un texte qui veut "faire clair" (au moins le texte des Huistes avait le mérite de ne pas tourner autour du pot). Disons que je n'arrive pas à comprendre certains points, mais on va certainement m'expliquer :
1. Sur la responsabilités des "forces politiques" dans l'échec des collectifs
Les forces politiques n'auraient "pas rendu possible le passage de tout cela à l'expression politique"... c'est aller un peu vite et réécrire en partie l'histoire ! Cet échec doit autant être imputé aux manoeuvres de certaines personnalités qu'aux forces politiques constituées (mais nous avions déjà écrit à l'époque sur ce sujet). Surtout, il illustre parfaitement les dérives que ne manquent jamais d'entraîner des structures de décision et de pouvoir aussi floues qu'anti-démocratiques. Pour mettre les points sur les "i", le pouvoir que se sont arrogé les quelques personnalités du Collectif National à travers cette absurdité du "double consensus" était totalement exorbitant, et constituait un droit de veto leur donnant de facto la possibilité d'ignorer purement et simplement le vote souverain des milliers de militants qui ont fait vivre les collectifs locaux (que ce soit par calcul délibéré ou par impossibilité réelle de parvenir à un "consensus" entre ces personnalités).
Non, les forces politiques ne se sont pas disqualifiées, et encore moins le PCF dont chaque décision majeure dans cette période douloureuse a fait l'objet d'un vote démocratique auquel ont massivement participé ses adhérents.
Si un enseignement doit être tiré de cet épisode pour l'avenir du mouvement unitaire, c'est que les structures nationales doivent être "au service" des structures locales, et devraient s'inspirer du zapatisme : "commander en obéissant" et rotation régulière de leurs membres désignés par les structures locales... Que pensent les "unitaires" de cette piste ?
2. Sur le contenu du projet politique
Pierre Zarka affirme qu'il est impossible d'avancer sans "penser de manière cohérente un autre type de société". D'accord, mais quand il détaille ce que serait cette nouvelle "cohérence communiste", cela donne "émancipation individuelle, appropriation progressive des pouvoirs et nouveau type de développement". Ce n'est pas vraiment clair, ou plutôt cela fait surtout référence à l'aspect formel ou institutionnel de la politique et de la citoyenneté, sans aborder directement l'économie. Or le citoyen est aussi un producteur et un consommateur. Que pensent les "communistes unitaires" de l'appropriation sociale des moyens de production ? (promis, je vais aller voir sur leur site...)
A cette réserve près, je rejoins totalement cette nécessité de penser un "autre type de société". C'est bien un autre système de valeurs qu'il faut opposer au capitalisme et au consumérisme (comme le souligne La Louve dans ce texte que je vous recommande). C'est pourquoi l'enseignement et l'éducation constituent un axe essentiel de ce projet politique.
3. Sur l'impossibilité pour le PCF d'exister sans une structure unitaire formelle
"Que l’un des deux espaces fasse défaut et l’autre ne peut exister. N’est-ce pas la douloureuse expérience que nous sommes en train de faire ?" NON ! Ce dont nous faisons la douloureuse expérience, c'est l'absence de règles claires et démocratiques pour faire vivre cet espace unitaire. Mais cette absence n'est pas un hasard, elle découle directement de l'absence de formulation explicite des objectifs d'une telle structure. Chacun peut ainsi poursuivre son "agenda secret" en tentant d'instrumenter à son avantage un "machin" dont la nébulosité démontrerait l'alter-modernité...
Mais nous reviendrons sur ce point, car il va bien falloir avancer des propositions.
4. Sur le dépérissement de l'Etat au profit d'une nouvelle citoyenneté (qui aurait manqué à l'expérience soviétique)
Là ce n'est plus la boîte de Pandore, c'est carrément le gouffre... Alors allons-y, pourquoi pas ! J'ai récemment découvert qu'un philosophe Italien (proche des refondateurs) avait avancé l'hypothèse que l'échec soviétique pouvait justement s'expliquer par l'intériorisation de cette perspective du dépérissement de l'Etat : celui-ci étant voué à disparaître, il était vain de vouloir le développer, notamment pour en faire un Etat de droit dans lequel l'Etat serait justement garant du respect des droits de chaque individu.
Cette analyse est séduisante. Si l'on veut en tirer tous les enseignements pour définir ce que pourrait être le communisme du 21ème siècle, la première conséquence serait justement qu'il faudrait bannir de notre corpus théorique cette perspective du dépérissement de l'Etat, et la remplacer par la volonté affirmée de développer un Etat de droit profondément démocratique. Ce qui ne signifie pas dépérissement de l'Etat, bien au contraire.
Reste à trouver des sources d'inspiration pour définir cette nouvelle citoyenneté. Si pour les "Communistes Unitaires" les collectifs représentent un modèle de citoyenneté et de démocratie, alors là on est mal partis... Après la dictature du prolétariat, on va avoir droit à la dictature des alter-aristocrates !
Les travaux du PCF sur la 6ème République me semblent une piste plus intéressante. Et si l'on veut vraiment chercher du neuf dans ce domaine, là encore l'expérience zapatiste peut être une source d'inspiration.
Mais revenons aux formes du rassemblement.
Dans ce domaine plus que dans tout autre, il va vraiment falloir "faire clair". Et ne laisser aucune zone d'ombre. Au-delà du problème déjà évoqué des règles de fonctionnement, deux questions majeures devront être abordées :
1. Quel objectif pour les élections ?
Pierre Zarka fait référence à la Première et à la Seconde Internationale. Quelqu'un peut-il éclairer ma lanterne et m'expliquer si l'une ou l'autre a présenté en son nom des candidats ? Si oui à quelle élection ? (je n'en sais vraiment rien...)
Cette question est fondamentale. De sa réponse découleront une partie des règles de fonctionnement que nous devrons établir. La réponse peut d'ailleurs différer selon le scrutin envisagé.
Si c'est NON, alors une forme assez proche de celle des collectifs peut être envisagée. L'objectif est dans ce cas de constituer un espace de dialogue et d'élaboration commune de contenus, une sorte de forum permanent pouvant également permettre des mobilisations communes autour des luttes.
Si c'est OUI, alors il va falloir définir très clairement la plate-forme politique et les règles de désignation, donc d'organisation des primaires pour les scrutins uninominaux, ou de constitution des listes pour les scrutins de listes. Et à mon sens le PCF devra avoir pour ligne de ne jamais s'engager dans un tel processus sans que ces règles soient très clairement, démocratiquement et totalement définies au préalable. C'est pas gagné...
2. Quelles règles d'accès au financement de la vie politique ?
Disons le clairement : tous ces débats ont également en filigrane le problème de l'accès au financement public de la vie politique. Cette question est aussi une dimension essentielle de la question précédente, à savoir la façon dont on aborde "à plusieurs" une séquence électorale... Là aussi, il faudra que nous soyons bien clairs dès le départ, ce qui suppose d'abord une information transparente sur les modalités de ce financement public (qui est volontaire pour une petite note de synthèse ?), afin que nous disposions de tous les éléments du débat.
La formalisation nécessaire du rassemblement pose donc des questions de fond qui ne pourront être résolues dans l'urgence. Mais elles doivent être posées et avoir des réponses pour que le PCF puisse se positionner clairement.
En attendant, l'urgence pour notre congrès est surtout de redéfinir notre projet politique : la visée communiste au 21ème siècle. Car comment définir les modalités d'un rassemblement avec d'autres quand on ne se connaît pas soi-même ?